«Je suis l’opoponax». Indicible, écriture et désir dans le roman d’exorde de Monique Wittig
Monique Wittig n’est pas encore la célèbre féministe et activiste que nous connaissons aujourd’hui lorsqu’elle écrit son premier livre, L’Opoponax, qui remporte un grand succès, distingué par le Prix Médicis en 1964. Souvent défini comme autobiographique, ce récit se révèle inclassable, l’histoire étant narrée par un sujet collectif et le “je” n’apparaissant que vers la fin du texte. Ici, comme dans toutes ses œuvres, Wittig crée un univers littéraire où les images végétales abondent, parfois énumérées en de longues listes de termes scientifiques, à la façon des herbiers anciens. Cet article se focalise sur une plante en particulier, celle qui donne le titre à ce livre: l’opoponax. Contrairement à ce qu’on a pu affirmer, ce mot bizarre n’est pas un néologisme, mais le nom d’une plante répandue dans toute l’Europe Méridionale. Plus fréquemment connue comme myrrhe douce, elle est utilisée dans la confection de cosmétiques et parfums; et ses propriétés antispasmodiques ont été exploitées, entre autres, dans le traitement de l’hystérie féminine. Cet article vise donc à analyser les différentes implications de l’image de cet arbuste aux fleurs jaunes dans le roman de Wittig. Effectivement, l’opoponax joue un rôle dans la croissance de la protagoniste du livre, dans la construction de son identité, dans sa découverte de la sexualité et dans sa formation littéraire de future écrivaine. Pourtant, l’évocation de cette plante comporte aussi des images négatives, en symbolisant ce qui ne peut pas être dit, ce qui se cache dans l’obscurité, sous le lit de l’enfant ou dans les non-dits de la société dans laquelle nous vivons. Finalement, étant donné que cet arbuste revient dans plusieurs autres œuvres de Wittig, il sera intéressant d’interroger cette métaphore végétale au sein du projet littéraire de l’autrice, tel qu’il se dessine dès L’Opoponax.
Mots-clés: Wittig, récit autobiographique, opoponax